Ce qu’on peut dire également, c’est qu’un jeu d’un autre type que celui de Nintendo qui voudrait fonctionner sur un autre système que l’élimination pourrait s’avérer profondément ennuyeux. Dans cette perspective, on peut à nouveau récolter les enseignements de Shadow of the Colossus qui de façon proprement métaphysique nous met violemment face à la nature de notre crime. Première expérience de l’altérité dans le jeu vidéo (quoique précédé par Ico, également pensé par Ueda), Shadow of the Colossus resitue le joueur par rapport à lui-même et ses actes. On pourrait également citer Silent Hill 2, qui comme l’affirmait Christophe Gans dans le numéro spécial jeux vidéo des Cahiers du cinéma, ne cesse de renvoyer la violence du joueur à sa propre morale. Grande expérience psychanalytique, Silent Hill 2 rappelle que le jeu vidéo commence là où le crime débute. Sarabande des symboles.
Ce qui serait intéressant de développer à partir d’une telle proposition tient au concept, à définir, du crime nécessaire. Le jeu vidéo est-il finalement un crime parfait ? Sans justice autre que la notre, sans conséquence, finalement sans autre. Tuer comme un cheminement constant et obligé, tuer parce qu’il n’y a pas d’autres possibilités, parce que la victoire nécessite en soi d’éliminer quelque chose, sans le moindre sacrifice puisque ce que nous devons détruire est construit et pensé pour être détruit. Imaginer le jeu vidéo comme justement la possibilité d’assouvir nos pulsions destructrices, et l’admettre (ce que nous faisons presque tous inconsciemment ou consciemment), c’est comprendre par ce que nous n’avions jamais connu auparavant la profonde nécessité du crime. Ou, plutôt du crime qui évoque trop une nature illégale alors que dans un jeu tuer est justement la règle, notre propre nécessité au meurtre, sans complexe. Au fond, peut-être que malgré la puissante contrainte du code, le jeu vidéo nous promet une liberté absolue. Une liberté qui parfois, par des jeux comme Shadow of the Colossus, se met à vaciller, à douter, à rencontrer quelque chose d’humaniste. Ce qui rend toute son expérience encore plus étrange.
Jérôme Dittmar
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